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Actualité Japon
Les Japonais sont encore sous le choc
Venus du Japon, c’est le porte-étendard gastronomique de toute une culture, de tout un pays. Si on vous dit « nourriture japonaise », vous pensez forcément en premier ou en deuxième lieu : Sushis. Depuis des décennies, ces délicieuses bouchées de riz vinaigré couvert d’une délicate tranche de poisson ont conquis les cœurs et les papilles de centaines de millions de consommateurs à travers le monde entier. Et pourtant, cette nuit, la nouvelle la plus inattendue qui soit est tombée : la vente des sushis sera interdite par la loi, au Japon. Enquête.
Sashimi, nigiri et maki : les enjeux géopolitiques complexes du sushi
Eh oui, on n’y pense pas souvent, mais les sushis sont le cœur de problématiques géopolitiques de premier rang, dont le grand public n’est pas toujours au courant. Un premier exemple relativement connu : les sushis au saumon. Un délice qui représente tellement bien le Japon, n’est-ce pas ? Eh bien non, tout ça n’est que mensonge.
En réalité, les sushis sont traditionnellement composés exclusivement de poissons marins. La raison est simple : il n’y a pas ou peu de parasites dans les poissons marins, contrairement aux poissons d’eau douce. Ils sont donc plus sûrs pour être mangés crus. Or le saumon, dans la nature du moins, remonte les rivières pour frayer (NDLR : terme précis pour parler de la ponte et de la fécondation des œufs des poissons), et il n’est donc pas considéré comme un poisson marin. Traditionnellement, donc… les sushis au saumon n’existent pas.
Il s’agit en fait d’un produit relativement récent, introduit par une longue et puissante campagne marketing du lobby Norvégien des producteurs de saumon. Leur production ayant atteint des proportions trop grandes par rapport à la demande, ils ont décidé de proposer le saumon sous la forme de sushis. Leur argument ? C’est délicieux, et surtout, le saumon d’élevage ne remonte pas les rivières, et est élevé exclusivement en mer. Il est donc adapté à la consommation sous forme de sushis.
Autre exemple des impacts insoupçonnés du poisson cru dans les relations internationales : M. Kiyoshi Kimura (木村 清), le patron de Sushi Zanmai, la plus grande chaîne de sushis du Japon (vous pouvez voir une vidéo à ce sujet ici ), il y a quelques années, fait l’impensable. Face à l’augmentation des prix et à la raréfaction des ressources de la mer, il s’est tourné vers les côtes de l’Ouest africain qui regorgent encore de poisson. Seul problème : les pirates.
Certes, ces derniers ne combattent pas à coups de sabres ou d’attaques « gomu gomu » à la One Piece après avoir mangé des fruits du démon… Mais la piraterie est toujours une triste réalité dans certaines mers, notamment au large des côtes somaliennes. Problème de poids qui empêche d’accéder à ces trésors marins en toute sérénité. La solution de M. Kimura est aussi simple qu’osée : engager lesdits pirates somaliens pour qu’au lieu de piller les navires, pêchent pour lui.
Et ce fut un succès phénoménal : la piraterie a baissé dans la région, la chaîne Sushi Zanmai a eu accès à du poisson moins cher, l’économie locale somalienne s’est améliorée… Bref, un pari courageux qui a payé.
Mais malheureusement, qui dit lobby, influence, politique, économie… Dit aussi adversaires, opposition, et autres lobbies. C’est là qu’entre en jeu le lobby totalement inconnu et pourtant extrêmement influent de la « Nouvelle association japonaise pro-animalière » (全日本新動物派協会), présidée par M. Sakana Shigatsuno (四月野 坂菜), membre de la secte (ou, officiellement, « nouvelle religion ») la plus puissante du Japon : le Soka Gakkai (創価学会).
Sur un fond de désaccord politique et idéologique avec les partisans de M. Kimura, qui dure depuis 20 ans, le lobby de M. Shigatsuno a tissé des liens forts avec d’autres lobbies, et a réussi à s’attirer les faveurs de nombreux membres influents du parlement japonais. Et bien que cela n’ait jusqu’ici pas fait la une des journaux, ni au Japon ni dans le monde, la NAJPA milite depuis près d’une décennie pour la destruction pure et simple du marché des sushis (entre autres).
Et aujourd’hui, ce combat a pris une tournure historique et décisive : la loi visant à interdire la production et la vente des sushis au Japon a été votée. S’il est vrai que le vote est passé de justesse, et que l’opinion publique en ébullition n’est pas prête à laisser passer une telle catastrophe culturelle (et osons le dire, économique), pour le moment il semblerait que le paysage de la gastronomie japonaise est sur le point de changer radicalement à partir de l’année prochaine.
La fin d’une ère, incompréhension totale : les Japonais sous le choc
Comme nous l’avons évoqué, l’opinion publique japonaise n’a pas bien accueilli la nouvelle (et ça se comprend). Manifestations « sauvages » (NDLR : extrêmement rares au Japon), le hashtag #savemysushi qui explose sur Line (un équivalent Coréen de WhatsApp très répandu dans les pays d’Asie), des célébrités criant au scandale, des influenceurs détournant la nouvelle pour faire des concours de mangeurs de sushi…
…rien n’y fait. Comme souvent au Japon, l’opinion publique est peu entendue, et entouré des députés à sa botte, M. Shigatsuno déclare devant les caméras de toutes les chaînes nationales :
« C’est une victoire historique pour notre pays et pour la lutte contre la cruauté animale (NDLR : référence à l’ikejime, méthode de préparation du poisson considérée – à tort – par la NAJPA comme cruelle et immorale). Il est temps d’avancer : comment un pays comme le nôtre peut-il encore, au XXIe siècle, penser qu’un plat aussi ridicule que des sushis ait sa place comme représentant de notre gastronomie ? Je vous rappelle que c’est juste un bout de poisson cru avec éventuellement un peu de riz. Ce n’est pas de la gastronomie, c’est juste une énorme blague. »
Et comme si ces mauvaises nouvelles ne suffisaient pas, il ajoute : « Et j’ai le plaisir de vous annoncer que notre combat ne s’arrête pas là : nous allons continuer à lutter de toutes nos forces pour moderniser et recentrer la culture gastronomique de notre magnifique pays, afin qu’il soit digne de sa grandeur. Les ramen, par exemple, ne sont pas japonais, mais chinois. Et pourtant, ils font partie des plats préférés des Japonais et des soi-disant « supporters » du Japon. Ce n’est pas nous, que tout cela met en valeur, mais bien notre terrible voisin : la Chine ! Nous ne lâcherons rien tant que tous ces ennemis du Japon n’auront pas quitté définitivement notre archipel ! ».
On pensait que 2020 était horrible… mais les années à venir s’annoncent encore pires si les actions politiques de M. Shigatsuno Sakana continuent à prendre de l’ampleur. Un Japon sans sushi, sans ramen… Un Japon qu’on ne reconnaîtra sûrement plus se profile à l’horizon. On dirait presque un mauvais rêve, ou une mauvaise blague.
Tenons bons. Engageons-nous. #savemysushi #savemyramen
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