Des participants lors d’une cure à Atami (préfecture de Shizuoka) méditent avec des pierres pour résister à l’attrait de Facebook le 6 décembre dernier.
Tandis que beaucoup de touristes cherchent par tous les moyens à être constamment joignables, de plus en plus de voyageurs japonais las des gadgets numériques laissent derrière eux téléphones portables et réseaux sociaux.
Rejoignant une tendance née l’année dernière à l’étranger, ils abandonnent leurs téléphones et leurs tablettes pour des « cures de désintoxication » dans des camps de vacances ou des hôtels, et découvrent les joies du temps qui passe sans connexion instantanée au monde numérique.
« Nous voulons que ces gens expérimentent quelque chose qui ne fait pas partie de leur routine quotidienne. En éteignant les téléphones nous souhaitons qu’ils savourent le moment présent et réalisent des choses qui sont souvent ignorées quand les services numériques sont présents, » explique Mirei Egushi, 31 ans, P-DG de l’entreprise Kushinada Co. qui propose des séjours de « désintoxication numérique » à Atami dans la préfecture de Shizuoka.
A l’étranger, ces désintox numériques telles que le « Camp Grounded » dans les forêts au nord de la Californie et les programmes sur des lieux de séjour comme à l’hôtel de Dublin ouest en Irlande ont attiré des foules pour des vacances « déconnectées ».
Ce phénomène gagne lentement du terrain au Japon.
« Nous ne voulons pas que les gens abandonnent totalement leurs appareils numériques mais plutôt qu’ils prennent conscience à quel point des objets comme le téléphone portable ont pris une place importante dans nos vies et qu’ils aient une relation saine avec eux. » ajoute M. Egushi.
Lancés en août, les « traitements » de désintox de deux jours et une nuit ont lieu une fois par mois dans un établissement de Kushinada et sont ouverts pour 10 à 20 participants. Ces derniers doivent confier leurs smartphones et autres appareils numériques pour ne les récupérer qu’à la fin du programme. Ils doivent aussi abandonner leurs montres et il n’y a d’ailleurs pas d’horloges dans les chambres.
Le programme est un mélange d’activités intérieures et extérieures, avec des jeux pour apprendre à se connaitre, une cérémonie du thé unique avec méditation devant des pierres nommées « sekisha », des exercices au petit matin devant la fameuse plage d’Atami.
Mayumi Morimitsu, une employée de bureau dans la quarantaine, fait partie des 15 participants qui ont signé début décembre pour un week-end de cure, d’un coût moyen de 23 000 yen (environ 160€). Elle avoue avoir cédé à la curiosité après avoir lu un article dans un journal.
Après les activités, en particulier une promenade solitaire de trois heures en ville seulement munie d’une carte imprimée, elle reconnait « réaliser à quel point elle avait été dépendante de son smartphone pour s’orienter dans le temps et l’espace.
Hirofumi Shimizu, 25 ans, tente aussi l’expérience pour la première fois. Etudiant à Kyoto jusque récemment, il a l’habitude d’utiliser son ordinateur et son téléphone quotidiennement.
Au moment où il a récupéré de son téléphone il s’est senti « léger » et non plus « lié » à l’appareil.
Un participant du programme d’Atami, Masahide Yokoo, 58 ans, est bien conscient que comme président d’une société immobilière basée à Gifu, les téléphones et ordinateurs sont indispensables pour travailler. Cependant, il déclare : « Au moment où nous laissons nos smartphones de coté nous réalisons beaucoup de choses qui passent souvent inaperçues, tel que le paysage devant nous ou les merveilleuses rencontres que nous faisons. »
L’entreprise Kushunada prévoit de tenir l’année prochaine à Atami une conférence internationale avec des groupes étrangers eux aussi engagés dans la désintoxication numérique.
D’après Tomohiko Yoneda, éditeur en chef de la version japonaise du blog ‘Lifehacker’ et auteur d’un ouvrage sur les désintox numériques il existe un besoin croissant chez les japonais de prendre des « vacances déconnectées ».
Pour M. Yoneda, le fait d’être trop connecté à Facebook, Twitter ou un autre réseau social peut parfois dégrader les relations et donner à certaines personnes un sentiment d’infériorité à cause de cette tendance à toujours rechercher l’approbation des autres.
Une étude menée en 2012 par la société de sécurité Symantec Corp a montré que les internautes japonais passent 49 heures par semaine sur leur smartphone ou leur ordinateur. En 2014 un rapport de l’entreprise Japan Tourism Marketing Co. a aussi révélé que certaines personnes choisissent des destinations où ils peuvent se déconnecter des réseaux sociaux.
« On pourrait penser qu’il suffit simplement d’éteindre son téléphone mais ce n’est pas aussi facile pour tout le monde. Certaines personnes sont prêtes à payer pour être dans un lieu sans accès au réseau » dit M. Yoneda qui s’est détaché avec succès des dispositifs numériques pendant un mois.
Etre éloigné des services numériques apporte aussi des bénéfices sur le plan médical, d’après Kiyoko Yanase, médecin à Tochigi et experte de la respiration qui a expérimenté une désintox numérique à Atami.
Pour Mme. Yanase, de nombreux patients souffrent d’insomnie en partie causée par le stress quotidien dont les origines sont des facteurs tel que le travail sur ordinateur. L’addiction à internet devient aussi un problème de santé d’après elle.
Dans une moindre mesure le restaurant Cafe Lydian d’Atami a embrassé le concept de la désintox numérique depuis août dernier en offrant un dessert aux clients qui auront éteint leurs téléphones portables et autres appareils pendant le repas.
« Manger prend peu de temps. Alors nous voulons que les gens apprécient la nourriture qu’ils dégustent et profite des gens les accompagnant dans ce moment » explique Tomoyuki Nakata, le chef d’une quarantaine d’années qui a été inspiré par les programmes de désintox à l’étranger et a voulu l’essayer dans son restaurant.
Le centre Hoshinoya Karuizawa dans la préfecture de Nagano propose un séjour de désintox numérique tout compris de septembre à novembre incluant des divertissements comme un spa. D’autres vont méditer dans des temples ou visiter des iles n’offrant aucun service sans fil.
« Avec l’apparition des médias sociaux il y a ce plaisir de rechercher l’approbation des autres qui peut devenir addictif. Même en voyageant, en mangeant ou à une fête vous n’appréciez pas complètement ce qui se passe, et cette capacité d’apprécier le moment présent est quelque chose que nous devons nous réapproprier » estime M. Yoneda.
Source : japantimes.co.jp / May Masangkay
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