Oubliés par la société pendant des années, de plus en plus de pères s’occupent seuls de leurs enfants.
Hiroki Yoshida, un père de trois enfants âgés de 6, 8 et 11 ans, est soudainement devenu un père célibataire il y a quatre ans, quand sa femme est partie sans crier gare.
Il était tellement sidéré qu’il a pleuré pendant deux semaines.
“Elle hantait mon esprit pendant les deux semaines suivantes, mais ensuite j’ai commencé à penser à moi-même, je devais voir la réalité en face pour le bien de mes enfants,” raconte Yoshida, 37 ans, lors d’une interview pour The Japan Times dans son appartement à quatre chambres à Konosu, dans la Préfecture de Saitama. Yoshida n’avait pas déménagé après le départ de sa femme.
Bien qu’il ait mis du temps à faire le tri dans ses sentiments et à divorcer, il estime qu’aujourd’hui il peut commencer sa nouvelle vie avec ses enfants, d’autant plus qu’il est officiellement reconnu célibataire depuis l’an dernier.
Yoshida dit qu’il soutient son ex-femme malade malgré tout. Ses parents décédés quand elle était à l’école primaire, explique-t-il, elle avait tendance à tomber en dépression. Elle s’est fortement impliquée dans un groupe douteux pour la « découverte de soi », sous forme de séminaires et, dans un contexte de vente pyramidale, elle a fini par s’enfuir avec un homme rencontré là-bas.
Bien qu’il ait désespérément tenté de l’éloigner de sa famille, les sentiments de son ex-femme ne sont pas revenus. En revanche, après d’intenses négociations, les enfants voient aujourd’hui leur mère régulièrement.
Les familles monoparentales sont en augmentation au Japon, ainsi que le nombre de divorces.
Selon le ministère des affaires internes en 2010, près de 204 000 familles avaient à leur tête un père célibataire. Il s’agit d’une augmentation fulgurante, en comparaison, avec l’année 2005 et ses 166 000 familles.
Cependant, il y avait seulement 90 000 cas d’enfants qui vivaient exclusivement avec leur père, dans un foyer sans aucune figure parentale, telle que les grands-parents.
Les pères célibataires échappent aux radars alors que les mères célibataires sont toujours plus communes.
De plus, les pères célibataires, en moyenne, gagnent plus que les mères célibataires qui de ce fait, ont tendance à davantage lutter financièrement. La société japonaise étant traditionnellement patriarcale, elle décourage les pères à partager leurs problèmes et à obtenir de l’aide.
Bien qu’ils gagnent plus d’argent, les pères célibataires doivent lutter contre l’attitude des employeurs qui les considèrent comme le pilier de la famille et la figure d’autorité pour les enfants. Souvent attendus pour faire des heures supplémentaires, ils sont autant chargés au travail qu’à la maison, rendant difficile l’équilibre vie professionnelle / vie privée.
Le besoin d’une aide financière
Une récente révision de loi a mis en évidence que la situation change progressivement.
Depuis 2010, les pères célibataires, comme les mères célibataires, sont éligibles à recevoir des subventions pour l’éducation des enfants, pour les salariés à faibles revenus
Akemi Morita, professeur et doyen de du département de sociologie à l’Université Toyo dans l’arrondissement Bunkyo à Tokyo, dit que l’isolement est le plus gros problème dont font faces les pères célibataires.
La société n’est pas encore équipée pour permettre aux travailleurs d’être pleinement impliqués dans l’éducation de leurs enfants, et les services de soutien pour les pères salariés et leurs familles sont peu et loin, s’accorde Morita.
« La solution pour les pères célibataires serait d’obtenir plus d’aide de leur employeur. Les pères célibataires, comme n’importe quelles autres familles relevant des défis (par exemple les familles à enfant à besoin spécifique), devraient avoir des avantages particuliers, tels que des horaires de travail flexibles en fonction des circonstances. Par exemple, ces horaires flexibles leur permettraient de partir s’occuper de leurs enfants, ou d’avoir facilement du temps libre quand ils tombent malade, » explique Morita.
Elle suggère que les foyers de père célibataire ne peuvent obtenir suffisamment d’aides des membres de leur famille et ont besoin de services « tout-en-un » lorsque les enfants doivent être gardés quelques heures, pour qu’ils jouent avec des bénévoles ou pour parler de leur ressenti à quelqu’un.
Morita dit que dans certains pays, comme les Etats-Unis, les familles de père célibataire peuvent trouver du soutien auprès de leur communauté religieuse, de leur groupe social ou ethnique.
« Mais pour les japonais, de telles aides n’existent que rarement et donc les familles monoparentales, en particulier celles de pères célibataires, ont tendance à s’isoler plus facilement. »
Tomoyuki Katayama, fondateur et ancien directeur du Zenfushiren (abréviation de Zenkoku Fushi Katei Shien Renrakukai, ou Père Célibataire du Japon), signale que ces hommes ont généralement des difficultés à demander de l’aide. Zenfushiren, fondé en 2009, était le premier groupe d’aide pour les pères célibataires au Japon.
« Habituellement, les hommes ne veulent pas parler de choses qui n’ont pas de fin ou de solution, comme le problème du manque d’argent dans un environnement qui ne permet pas d’en gagner plus, ou de ne pas avoir le temps de s’occuper des tâches ménagères et de ne pas trouver de solutions immédiates. De ce fait, les pères célibataires essaient de résoudre leurs problèmes par eux-mêmes, » raconte-il.
Katamaya dit que lui et quelques autres pères se sont sentis déçus que les familles de pères célibataires n’aient pas reçu pas suffisamment d’aides financières de l’Etat par le passé.
Ainsi, le Zenfushiren, avec le soutien d’autres groupes à but non-lucratif pour l’aide des pères célibataires (tel que Fathering Japon), a demandé l’aide du gouvernement. De cela est né un amendement légal en 2010.
Des pères qui doivent s’adapter
Installé à Niigata, Katayama est un père célibataire de deux enfants. Il dit qu’il était un drogué du travail jusqu’à ce que sa femme le quitte il y a 10ans.
Après avoir changé de travail de nombreuses fois, il quitte son travail de bureau pour devenir consultant indépendant il y a quelques années, qui lui donnait accès aux aides des familles de pères célibataires ou des couples à difficultés.
Katayama, 42ans, dit que bien que tous les problèmes des pères ne sont pas les mêmes, la plupart d’entre eux se plaignent de manquer de temps ou d’argent.
« Il y a des limites dans ce qu’un père célibataire peut faire, entre jongler avec le ménage, l’éducation des enfants et la carrière. Par conséquence, certains pères célibataires dépriment et doivent même quitter leur emploi, » dit-il.
Yoshida, le père de trois enfants était rédacteur en chef dans une maison d’édition lorsque sa femme l’a quitté. Il devait réaliser des reportages chaque mois, et la charge importante de travail l’a mis en difficulté pour jongler avec l’éducation des enfants et son travail.
Yoshida, comme Katayama, est récemment devenu un travailleur indépendant et pense maintenant à créer une entreprise écologique de services sociaux pour les pères.
Il participe aussi aux activités communautaires, comme représentant de son association de parents d’élèves, et porte un « mikoshi » (une châsse portable) lors de festivals locaux.
Yoshida dit qu’il a toujours été un bon père, il faisait le repas et jouait avec ses enfants tous les jours, il n’a donc pas été trop pénible pour lui de devenir un père célibataire. Il dit que ce qu’il a aidé c’est que ses trois enfants dorment très bien la nuit et qu’ils ne réclament pas leur mère quand elle n’est pas là.
Avec tout le linge qui flotte au vent de sa terrasse d’appartement, et la pile d’assiettes qui sèche à côté de l’évier de la cuisine, il est facile d’imaginer combien la vie de Yoshida est agitée.
Mais son visage semble paisible et il met en avant le sac d’école qu’il a cousu à la main pour sa fille de 8ans.
« Je suis naturellement optimiste, vous savez,» et il ajoute qu’il a maintenant l’esprit plus clair pour pouvoir penser à l’avenir.
« Je veux trouver ce que je veux faire vraiment dans ma vie et continuer à avancer, dit-il avec le sourire.
Source : Yomiuri
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