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Actualité Japon
Le 10 décembre 1968 reste, pour beaucoup de Japonais, celle du casse du siècle, avec le vol sans violence de 300 millions de yens (3,6 millions de francs) dans une voiture de la Nippon Trust Bank. Un délit jamais élucidé.
Le souvenir de ce vol reste d’autant plus vivace au Japon que 44 ans plus tard il est toujours entretenu dans la mémoire collective par des livres, films, mangas.
Ce 10 décembre 1968, il pleut sur la région de Tokyo. Quatre hommes sans arme de la Nippon Trust Bank doivent livrer les primes de fin d’année aux employés d’une usine Toshiba dans une banlieue tranquille de la capitale. Une somme: 294’307’500 yens.
Faux policier
Ils sont à 200 mètres à peine de l’usine quand ils sont doublés par un faux motard, qui chevauche une Yamaha blanche, comme celles de la police. L’illusion est parfaite.
Brusquement la moto fait un dérapage contrôlé et pile net juste devant la voiture. Le «policier» informe les quatre passagers qu’une explosion s’est produite au domicile d’un dirigeant de leur société et que leur voiture pourrait avoir été piégée. L’argument fait mouche: leur propre patron direct avait reçu dernièrement des menaces par courrier.
Comme s’il cherchait frénétiquement une charge explosive, le faux policier se glisse alors sous le véhicule. Quelques secondes plus tard un petit panache s’échappe sous l’automobile. «J’l’ai trouvée! c’est de la dynamite! ça va sauter!», hurle le motard aux quatre individus paniqués. Effet garanti: ils détalent comme des lapins.
Tranquillement, le voleur-acteur se met au volant et s’évanouit dans la nature avec le magot. On ne reverra jamais cet argent, l’un des plus gros butins de l’histoire du pays.
Enquêteurs morts d’épuisement
Le Japon n’a pourtant pas lésiné sur les moyens pour retrouver le ou les braqueurs, et l’argent. La police a mis des milliers d’hommes et ses plus fins limiers sur l’affaire. Deux enquêteurs sont même morts d’épuisement, et 118’000 suspects ont été interrogés. En vain.
Un montage photo censé ressembler au motard casqué et diffusé à travers le pays est encore dans toutes les mémoires, mais nul n’a su mettre un nom sur ce visage juvénile.
Car les indices sont pour le moins maigres. Pas de tirs, donc pas de douilles. Le deux-roues abandonné sur place, ne parlera pas plus: il avait été volé peu auparavant et maquillé en moto de la police.
On retrouvera bien quatre mois plus tard une Toyota utilisée par le faux motard avec à l’intérieur les coffrets métalliques dans lesquels les liasses de billets étaient bien rangées. Las, cela n’apporta rien.
Fausses pistes
La police a bien cru à plusieurs reprises avoir résolu le mystère. Une première fois en arrêtant un garçon de 19 ans, fils d’un motard de la police et chef d’une bande locale. Mais cinq jours après le casse, il mourait empoisonné avec du cyanure de potassium acheté par son père. Ce dernier n’a cessé de clamer l’innocence de son fils.
Nouvel espoir déçu un an plus tard: un chauffeur de 26 ans, qui travaillait dans une agence officielle canadienne, est arrêté à cause de sa grande ressemblance avec le portrait-robot établi par la police. Ses alibis tiennent la route et il est relâché.
Construction d’une légende
Au bout de sept ans de recherches infructueuses, les faits ont été prescrits et l’enquête refermée. Mais la légende a continué à se construire petit à petit. Avec l’arrivée d’internet, des forums se sont mis à évoquer avec sympathie le geste de ce mystérieux voleur qui a échappé des décennies à la police.
Comme lors de l’attentat des tours du World Trade Center aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, beaucoup de Japonais se rappellent exactement ce qu’ils faisaient et où ils étaient quand ils ont appris la nouvelle du hold-up.
«A cette époque, les gens étaient vraiment naïfs: quelqu’un habillé en policier était forcément un policier», témoigne Keiji Harashima, le patron d’une compagnie de transport du quartier où s’est produit le vol.
Finalement, le record du butin aura tenu 43 ans: l’an dernier des voleurs ont dérobé 600 millions de yens. Mais eux ont été arrêtés. L’«homme aux 300 millions», lui, s’est évaporé, et court toujours dans l’imagination populaire.
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