Note : Il s’agit du premier article d’une série qui en comportera cinq sur les ‘maiko’, apprenties geisha de Kyoto, ces jeunes filles qui veulent devenir des artistes professionnelles dans un monde traditionnel régi par des conventions et des règles strictes. A Kyoto on utilise le mot ‘geiko’ de préférence à ‘geisha’, ainsi seront-elles nommées dans ces articles.
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Élevée à Tokyo dans la banlieue Funabashi (préfecture de Chiba), Kaho Mishima était une écolière typique qui aimait jouer du violon et que ses parents espéraient voir intégrer le lycée.
Mais sa vie a changé cinq ans auparavant lorsqu’elle a regardé un documentaire télé au sujet des ‘maikos’, les apprenties geiko de Kyoto qui se battaient pour réaliser leur rêve de devenir des artistes accomplies dans un monde traditionnel.
A cette époque elle avait seulement fini sa première année de collège, mais cela l’a décidée sur le choix de son futur métier.
« C’était motivant de voir des jeunes filles de ma génération qui travaillaient déjà dans le monde historique des geishas » se souvient-elle.
Kaho, qui a maintenant 18 ans, s’appelle dorénavant Katsuna, son nom professionnel, et en novembre prochain elle fêtera sa troisième année au sein de la communauté de Kamishichiken, le plus ancien quartier de geiko de Kyoto situé dans l’arrondissement de Kamigyô.
Chaque soir elle se rend à des banquets (‘ozashiki’) qui se déroulent dans des maisons de thé (‘ochaya’) ou des auberges traditionnelles (‘ryotei’) du quartier, ses pas illuminés par des lanternes de papier et reconnaissables par le bruit unique de ses okobo, ces sandales de bois seulement portées par les maiko.
La première fois qu’elle a parlé à ses parents de son souhait de devenir maiko ils ne l’ont pas prise au sérieux.
« A ce moment nous avons pensé qu’elle parlait d’un rêve comme devenir une actrice ou une chanteuse célèbre » se rappelle sa mère, Noriko, 51 ans.
Même après avoir réalisé à quel point leur fille était sérieuse, ils se sont opposés à ses projets, arguant qu’elle ne supporterait pas longtemps un monde de conventions et de règles aussi stricts.
Puis ils ont convenu de reparler de cette perspective après l’entrée de Kaho au lycée.
Mais comme la plupart des jeunes filles entrent dans ce monde à la fin du collège, Kaho a insisté pour obtenir l’accord de ses parents pour se rendre à Kyoto.
« Si vous m’empêchez de devenir maiko, je réaliserai ce rêve dans ma prochaine vie, » leur a-t-elle lancé les larmes aux yeux.
Son père, Naoki, 51 ans, lui a finalement donné son consentement. Il a déclaré à sa fille : « Tu dois le faire si c’est la voie que tu as choisie. »
Kaho était très déterminée à devenir une artiste accomplie le plus rapidement possible pour rembourser la dette qu’elle estime avoir envers ses parents.
Après avoir accédé au rang de maiko, elle s’est souvent demandée comment elle pouvait aider ses aînées pendant et entre les ozashiki.
« Même quand les autres étaient occupées, je ne pouvais rien faire pour elles. J’étais grondée si je m’activais et aussi si je restais immobile » se souvient-elle.
Dans le monde traditionnel des geishas Kaho fit l’expérience de la solitude et de l’isolement. Pour faire face aux difficultés elle appelait ses anciennes camarades de classe mais elle ne pouvait leur expliquer ses problèmes tant son monde était différent du leur.
C’est seulement avec ses jeunes camarades de Kamishichiken que Kaho pouvait partager des moments de joie et aussi les expériences douloureuses.
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De nos jours il reste cinq quartiers réservés dits ‘hanamachi’ (littéralement ville-fleur) à Kyoto : Gion Kobu, Miyagawacho, Pontocho, Kamishichiken et Gion Higashi.
D’après l’association Ookini Zaiden (fondation de Kyoto pour les arts et la musique traditionnels) et l’association conjointe des hanamachi de Kyoto, le nombre de maiko des cinq quartiers se montait à 65 à la fin du mois de novembre dernier. Gion Kobu et Miyagawacho en ont 21 chacun et les trois autres districts moins de 10.
Le nombre de maiko est tombé à 28 en 1975 mais a remonté à plus de 100 en 2008 en partie grâce à l’explosion du tourisme dans les hanamachi.
Recruter des apprenties est un casse-tête pour les quartiers. Rikio Tsubokura, 74 ans, présidente de l’union des maisons de thé de Miyagawacho, remarque que le nombre de candidates a augmenté depuis que des informations sur les geishas et les hanamachi sont devenues accessibles sur internet.
« Mais comme l’entrainement pour devenir geiko est très exigeant, beaucoup d’apprenties abandonnent » déplore-t-elle.
Certaines okiya, (maisons où vivent les maiko et geiko et qui gèrent leur carrière), proposent aux jeunes femmes intéressées d’essayer la vie de geisha pendant quelques jours durant les vacances d’été.
Autrefois les apprenties geiko venaient de Kyoto ou de ses environs mais de nos jours elles arrivent de tout le Japon. Dans la grande majorité des cas, les jeunes filles commencent leur apprentissage à la fin du collège.
Mais comme les parents actuels souhaitent que leurs filles acquièrent au moins le niveau du bac japonais, le quartier de Miyagawacho encourage ses maiko à prendre des cours par correspondance pour obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires.
Le quartier parraine également des cours d’anglais, conviant des conférenciers externes, pour pouvoir attirer des touristes étrangers dans le district.
« Il est maintenant essentiel pour nous de créer un environnement dans lequel les parents pourront nous confier leurs filles en toute sérénité » conclut Mme Tsubokura.
Source : asahi shimbun || Image : fluke samed / Shutterstock.com
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